CONVENTION EGALITE REELLE

mercredi 10 novembre 2010

Lire le texte de la convention adopté par le CN du 9 nov 2010...
Introduction

S’il fallait une démonstration de l’attachement des Français à l’égalité, le mouvement contre le projet gouvernemental de réforme des retraites produit l’éclatante preuve que cette valeur historique de la République ne rappelle pas seulement les luttes sociales et les combats politiques d’antan : en France, l’égalité est un projet.

Depuis cinq mois, les Français se passionnent pour le débat sur l’avenir de leur système de retraite et ont ardemment contesté une réforme qui renforce les inégalités entre les femmes et les hommes, entre les ouvriers et les cadres, entre les Français les plus riches et tous les autres.

Quelles sont les raisons profondes à ce mouvement social d’une intensité exceptionnelle dans le temps, par sa détermination et l’unité des formations syndicales et politiques ?

Cette réforme est d’abord jugée inefficace à résoudre le problème auquel elle se propose de répondre : le déficit de l’assurance vieillesse. Mais une réforme ne mobilise pas des millions de français dans la rue seulement parce qu’elle est inefficace. Si le projet gouvernemental a jeté tant de salariés, de jeunes, de chômeurs, de retraités dans les cortèges de manifestants et de grévistes, c’est principalement parce ce qu’il a été jugé injuste. Injuste car créateur d’inégalités nouvelles entre des individus pourtant déjà mis à distance les uns des autres par les inégalités salariales, les inégalités de conditions de travail, les inégalités de statut, les inégalités face à la santé et à l’espérance de vie.

L’égalité reste une valeur intensément partagée par les Français. À ceux qui avaient parié sur la résignation à la fatalité des sacrifices sans contrepartie, les Français ont redit qu’ils restaient les souverains, en particulier en ce qui regarde l’évolution du contrat social, celui qui fixe les termes de la solidarité entre les générations d’une part, les principes et objectifs des politiques de redistribution des richesses d’autre part.

Comment expliquer sinon l’énergie donnée par les Français à ce mouvement contre les retraites ? Une génération de jeunes y aura forgé sa conscience politique, et des millions de salariés du public comme du privé s’y seront retrouvés solidaires dans leurs aspirations à un autre modèle de développement, las d’être considérés comme ce « capital humain » que la science économique officielle et les politiques néo-libérales ajustent au gré des besoins des marchés.

Les Français sont pourtant malmenés depuis 8 ans. Ils ont assisté à l’échec de la plupart des mobilisations sociales qui ont contesté le démantèlement des garanties collectives à l’exception du CPE. Ils ont observé la montée de toutes les insécurités. Ils ont enregistré le recul de leurs droits et la baisse de leurs protections contre le licenciement, la maladie, ou la pauvreté. 

Jusqu’ici le progrès social était solidement arrimé au progrès économique associé au progrès des techniques. Même s’ils étaient le résultat d’un rapport de force, de cycles de conquêtes sociales obtenues par le suffrage universel et ou par les luttes, l’amélioration des conditions d’existence, l’épanouissement des individus, l’émancipation des formes anciennes et contemporaines de domination étaient inscrits dans le prolongement du progrès économique et du progrès de techniques.

La financiarisation du capitalisme et la mondialisation libérale ont changé cette donne.

Aux Etats-Unis, une étude conjointe des Universités de Harvard et de Washington dans 2000 Comtés a démontré que l’espérance de vie des Américains les plus pauvres a reculé de 16 mois. On peut donc être la seconde puissance économique au monde (après l'UE), abriter les universités qui trustent les meilleurs places des classements mondiaux en matière de performance et de publications scientifiques, disposer de la meilleure recherche privée au monde, être le berceau d’innombrables innovations dans le domaine des technologies, et observer pour autant une baisse de l’espérance de vie des populations les plus pauvres.

En Europe, l’espérance de vie en bonne santé a, selon Eurostat en 2009, chuté dans 7 pays membres de l’Union européenne pour les hommes, dans 8 pays membres de l’UE pour les femmes. On peut être la première puissance économique, abriter des entreprises et industries performantes, disposer de modèles sociaux de haut niveau, et constater que les conditions de vie des travailleurs se sont dégradées au point de diminuer leur espérance de vie en bonne santé. 

La marche du progrès social semble interrompue. Et notre pays n’échappe hélas pas à ce mouvement. Les Français sont ainsi exposés à une réalité sociale nouvelle : le déclassement.

Le « déclassement »[1] a de multiples visages : il prend la forme de plus en plus familière de jeunes promis à une vie moins confortable que celle de leurs parents. Mais le déclassement c’est aussi occuper un emploi de qualification inférieure à son niveau de formation initiale, c’est basculer d’un mode de consommation classique à une consommation « low cost », c’est pour la première fois retarder des soins, c’est abandonner un projet d’accès à la propriété, c’est prendre un emploi moins bien payé que celui que l’on occupait avant un licenciement. Le déclassement se décline sous de multiples formes et marque le pessimisme d’une société qui ne sait plus assurer de progrès collectif. Dans cette circulation des individus de haut en bas de l’échelle sociale, se forge toutes les colères et tout le ressentiment, éloignant les Français de leurs institutions démocratiques, effritant peu à peu la confiance en elles.

Cette réalité est insupportable. Elle est indigne d’une économie qui se situe au 6ème rang mondial des nations. Elle est indigne du projet européen. Elle est enfin indigne de la promesse républicaine d’égalité.

Nous, socialistes, voulons faire en sorte que reprenne la marche du progrès social. Le progrès d’une génération à l’autre. Le progrès d’un nouvel âge de l’émancipation des femmes. Le progrès d’une société à la hiérarchie sociale resserrée où chaque individu peut évoluer et améliorer sa situation professionnelle et sociale. Le progrès d’une société dont le système éducatif ne reproduit pas les inégalités de la société et ne se livre pas au tri social précoce des élites. Le progrès d’une société qui lutte contre tous les déterminismes, culturels, sociaux, économiques et biologiques. Le progrès d’une société qui ne discrimine plus les individus selon leur âge, leur genre, leur couleur, leur origine ou leur orientation sexuelle. Nous voulons le progrès social, le progrès collectif et non la « naturalisation du social » qui fige une distribution des places selon la naissance et assigne des millions de français à résidence sociale.


Lire le texte de la convention proposé au Bureau National le 2 nov 2010.